Contes du hasard et autres fantaisies, Ryusuke Hamaguchi

Contes du hasard et autres fantaisies est un film à sketches (trois au total) qui évoque bien plus le cinéma français que le cinéma japonais. Dès le premier conte, intitulé Magie ?, on se croit projeté dans le film d’un Rohmer japonais. Il s’agit d’un triangle amoureux un peu prévisible, mais qui fonctionne plutôt bien. Deux jeunes femmes, au sortir d’un shooting de mode, se confient dans le taxi qui les remmènent chacune chez elle. La conversation s’éternise un peu : l’une des deux a rencontré un homme dont elle semble être tombée amoureuse. Ils n’ont pas encore couché ensemble, sans doute parce qu’il a quelque mal à se défaire d’une histoire douloureuse. On comprend alors très rapidement que c’est l’ex de son amie Meiko qu’elle a rencontré, même si, elle, ne le comprend pas… La suite du conte se regarde gentiment, avec une fin démultipliée qui propose au spectateur deux dénouements possibles.

Le dernier conte nous propose la rencontre improbable d’une femme d’une quarantaine d’années avec son seul amour, un amour de jeunesse, en pleine rue. Elles se rendent toutes deux au domicile de celle-ci, qui est mariée, a des enfants, vit dans une jolie maison de banlieue un bonheur tranquille, peut-être ennuyeux. Quand la discussion finit par leur apprendre qu’elles se trompent toutes les deux sur l’autre, qu’elles ne sont pas allées dans le même lycée et ont donc cru se reconnaître, mais se sont trompées, elles jouent chacune le rôle de celle que l’autre a pensé retrouver et, avec une grande douceur, acceptent ainsi d’apporter à une inconnue l’aide qui lui permettra de se défaire des douleurs du passé, avant une accolade d’adieu.

Le second conte, de loin le meilleur à mes yeux, est celui qui met en scène Nao, une jeune femme mère d’un enfant qui reprend des études, multiplie les amants et se retrouve poussée par la désir de vengeance de son jeune amant du moment dans le bureau d’un professeur qui vient d’être primé pour son dernier roman. La scène la plus forte du conte est celle où elle lit à son auteur une scène érotique de son livre, dans le bureau dont il tient à tout prix à garder la porte ouverte (sans nul doute pour se protéger), et où elle met en application le plan machiavélique de son compagnon pour faire tomber l’enseignant qui l’a exclu de la faculté. Troublant, ce moment se termine sur le refus du professeur de céder à l’acte de séduction qu’a mis en œuvre Nao. Mais, fascinée qu’elle est par le vieux professeur figé dans son statut social, elle obtient de lui ce qu’elle ne lui a pas proposé et par le biais d’une erreur d’adresse mail le fait tomber de sa chaire en l’éclaboussant d’un « scandale » plus littéraire que de mœurs !

Ryusuke Hamaguchi est un réalisateur visiblement très prisé du public de cinéma d’auteur (sans doute grâce au succès de Drive my car), mais ce film de hasards et d’histoires autour de l’amour, même s’il est subtil et fort bien réalisé, même s’il se laisse voir avec plaisir, ne laisse pas le spectateur sur la sensation d’avoir vu un chef-d’œuvre.

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