Jean-Philippe Toussaint, L’Urgence et la patience – morceaux choisis 5

« D’ordinaire, l’urgence préside à l’écriture d’un livre et la patience n’est que son complément indispensable, qui permet de corriger ultérieurement les premières versions du manuscrit. Chez Proust, il semblerait que la patience précède l’urgence. Proust n’écrit pas de première version d’A la Recherche du temps perdu, il se contente de vivre, il prend tout son temps, comme s’il relisait avant même d’avoir écrit. C’est sa vie, la patience, et l’urgence, c’est son œuvre. Mais chaque façon personnelle de concevoir l’écriture est une névrose unique. Kafka, tous les soirs, se mettait à sa table de travail et attendait l’élan qui le porterait à écrire. Il avait cette fois en la littérature, il ne croyait qu’en elle (« je ne peux ni ne veux être rien d’autre »), et il pensait tous les soirs qu’adviendrait pour lui cet idéal inaccessible : écrire. Parfois, en effet, cela venait. Il a écrit Le Verdict en une nuit, et La Métamorphose sera écrite dans le même état de grâce. A côté de ces nuits de fièvre et d’urgence, la pratique de l’écriture est une quête aride au quotidien pour Kafka. Rien ne vient, jamais. » Jean-Philippe Toussaint, L’Urgence et la patience (2012)

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