
« L’urgence, telle que je la conçois, n’est pas l’inspiration. Ce qui en diffère, c’est que l’inspiration se reçoit, et que l’urgence s’acquiert. Il y a dans le mythe de l’inspiration – le grand mythe romantique de l’inspiration – une passivité qui me déplaît, où l’écrivain – le poète inspiré -, serait le jouet d’une grâce extérieure, Dieu ou la Nature, qui viendrait se poser sur son front innocent. Non, l’urgence n’est pas un don, c’est une quête. Elle s’obtient par l’effort, elle se construit par le travail, il faut aller à sa rencontre, il faut atteindre son territoire. Car il y a bien un territoire de l’urgence, un lieu abstrait, métaphorique, situé dans des régions intérieures qui ne s’abordent qu’au terme d’un long parcours. C’est par l’immersion qu’il faut l’atteindre. Il faut plonger, très profond, prendre de l’air et descendre, abandonner le monde quotidien derrière soi et descendre dans le livre en cours, comme au fond d’un océan. » Jean-Philippe Toussaint, L’Urgence et la patience (2012)