Clara Sola, Nathallie Alvarez Mesén

Costa-Rica, dans une maison isolée près d’une forêt, vivent trois femmes : la mère, sa fille Clara (40 ans) et Maria sa petite-fille orpheline (15 ans). Clara a un don de guérison (elle a d’ailleurs vu la Vierge), mais aussi un handicap (une colonne vertébrale sérieusement déformée), dont on se demande s’il n’est pas doublé d’un handicap mental (léger). Clara communie avec la nature, elle sent venir les tremblements de terre et annonce la pluie, entretient une relation quasi fantastique avec sa jument blanche Yuka, ressuscite un scarabée qu’elle garde dans sa chambre. Les cérémonies religieuses de guérison qu’organise sa mère pour le habitants du village malades, où Clara doit se conformer à un rite pesant, les frontières autour de la maison, symbolisées par des chiffons bleus attachés à des poteaux par la grand-mère, semblent infranchissables. Il semble que Clara ne choisisse pas grand-chose dans sa vie. Le plaisir lui est interdit, parce qu’elle a vu la Vierge, certes, mais aussi comme il est souvent interdit aux personnes handicapées. Sa mère lui fait tremper les doigts dans une purée de piment fort pour éviter toute dérive… « Elle recommence ses cochonneries », commente-t-elle, alors qu’une novella diffuse à la télévision une scène de baiser et que Clara laisse errer sa main où il ne faudrait pas. Clara vit une vie dans laquelle son hyper-sensorialité est contrôlée. Le carcan religieux, la frustration sexuelle, la privation de liberté, jusque dans le choix des robes qu’elle doit porter, sévissent et on peut se demander si le destin de Clara ne symboliserait pas celui des femmes en Amérique du Sud… Pourtant cette jeune femme, si soumise en apparence, va progressivement s’émanciper, tout en douceur, de cet emprisonnement familial, mais aussi de façon violente, de la chape de plomb qui lui est imposée par le conditionnement maternel. L’arrivée d’un jeune saisonnier qui travaille au village y est sans doute pour quelque chose, en réveillant le désir pour un homme chez Clara. Ce film pourrait être banal, mais la réalisatrice, Nathalie Alvarez Mesén, en choisissant pour sa mise en scène la poésie, le réalisme magique, la sensorialité et une sensualité à fleur de nature, une bande-son en parfaite adéquation avec la forme du film, transcende son sujet (comme son héroïne, le film n’est pas bavard et ce sont les images, les symboles et la musique qui importent), jusqu’à un final assez formidable, spectaculaire sans excès et à double-sens qui permet au spectateur de prendre congé, de cette héroïne magnifiquement incarnée par la danseuse Wendy Chinchilla Araya, en fonction de sa propre sensibilité. Morte ou vivante, Clara s’est libérée de son emprisonnement, dans un film sensible, subtil et délicat à ne manquer sous aucun prétexte.

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