La Maman et la putain, Jean Eustache

Film culte de générations de grands réalisateurs et d’un public de cinéphiles, La Maman et la putain de Jean Eustache (1973) enfin restauré ressort au cinéma cet été et c’est une occasion à ne pas manquer. C’est tout d’abord une expérience unique : une pellicule de trois heures quarante, un film qui tient essentiellement sur le dialogue (voire le monologue, car le personnage joué par Jean-Pierre Léaud, particulièrement égocentré, passe son temps à parler et à se faire écouter par ses maîtresses), une intrigue on ne peut plus ténue (un jeune homme qui vit avec une femme un peu plus âgée que lui (jouée par une Bernadette Lafont plutôt sobre) en rencontre une deuxième (Françoise Lebrun), sans se résoudre à faire un choix), un jeu d’acteurs totalement décalé (la diction de Léaud !) et, bien sûr, un film en noir et blanc. Bref, du cinéma de chambre, qui donne l’impression d’être au théâtre plutôt qu’au cinéma, un film considéré à juste titre comme un chef-d’œuvre inusable, et c’est bien le cas, car malgré les cinquante ans qui se sont écoulés, il n’a pas pris une ride. Quelle fut la réception du film à l’époque ? Il semblerait que le film ait fait scandale à Cannes. Mais aujourd’hui, il est difficile de ne pas le voir en se disant qu’Alexandre, le personnage masculin du film, est un drôle de coco qui, malgré son succès, s’y prend on ne peut plus mal avec les femmes (la scène qui ouvre le film, durant laquelle il fait sa demande en mariage à Gilberte, une jeune femme qu’il a on ne peut plus maltraitée, voire violentée certains mauvais jours, en est un exemple), se ridiculise plus souvent qu’à son tour et ne fait pas toujours illusion (les scènes de fin pendant lesquelles Veronika lui règle verbalement son compte sont jubilatoires). Interrogation sur l’amour, le couple et la « liberté » dans le couple (la liberté de l’homme, en fait), La Maman et la putain est un grand texte (qui mérite sans doute au moins autant d’être lu qu’entendu) dont l’idéologie « libertaire » mériterait d’être revue de façon plus actuelle et féministe. Ça n’en fait pas pour autant un film daté et vieillot, le témoignage sur une époque qui apparaît clairement comme révolue est pour le moins intéressant, mais on en viendrait presque à souhaiter voir sortir un remake de La Maman et la putain, tourné aujourd’hui par une réalisatrice (On pense à Claire Denis, par exemple), et non par un réalisateur qui met en scène d’un point de vue essentiellement masculin ses difficultés relationnelles et le désordre de sa vie amoureuse, même si le personnage d’Alexandre est montré sans fard.

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