Médée, Pier Paolo Pasolini

Pur chef-d’œuvre du cinéma pasolinien, Médée est le troisième volet de sa trilogie antique. Commençant par l’éducation de Jason par le centaure Chiron, le film se détache de l’œuvre originale d’Euripide (avec une conclusion aux antipodes du texte mythologique : « Il n’y a pas de Dieux ») en y ajoutant également le mythe d’Argos et des argonautes, pour ensuite plonger le spectateur dans une scène inouïe de sacrifice humain (au Dieu soleil, à la renaissance de la végétation) au pays de Médée, où se trouve la fameuse Toison d’or. D’emblée, le décor choisi, une ville en partie troglodyte, en partie construite à flanc de montagne, est sublime, les costumes archaïques des habitants, et en particulier des hauts dignitaires, d’une beauté incroyable, la scène, quant à elle, est hallucinante (la musique n’y est pas pour rien, au moins autant que le thème du sacrifice). Comme souvent (toujours) dans les films de Pasolini, les scènes dans lesquelles il filme des mouvements de foule sont prétexte à donner au spectateur une série de portraits (il aime filmer les visages) tous plus beaux les uns que les autres (les casques, les colliers, les vêtements noirs ou bigarrés, mais les visages rudes et naïfs des paysans, en opposition au visage noble et altier de Maria Calas, font de cette galerie de portraits un monument du cinéma).

La seconde partie du film, qui se déroule à Corinthe, est tout aussi belle et fait référence, non plus à la seule culture antique, mais à l’art de la peinture classique : cadrage somptueux, scènes dignes des plus grands tableaux de la Renaissance. Quant à la Callas, inutile de dire que son jeu passe essentiellement par les expressions de son visage, fascinant, et que sa présence contribue à sublimer la version de Pasolini. Tout l’art du cinéaste dans cette magnifique adaptation de la tragédie, dans laquelle le verbe est rare et laisse la place aux images et à des traditions musicales diverses et variées (Japon, Bulgarie, Iran…), consiste à réaliser un film résolument contemporain, plastique, autant qu’archaïque, antique et classique. A tel point que ce film (de 1969) semble avoir été réalisé au XXIe siècle. Un pur chef-d’œuvre.

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