
Le cinéma est un art de l’illusion et Bogdan George Aperti en joue avec un certain brio dans ce polar qui traite, une fois encore, d’un thème douloureux, celui des violences faites aux femmes (viol et féminicide). Cristina, une jeune novice, quitte son couvent pour se rendre à l’hôpital pour une raison qu’on ignore un certain temps. A l’aller, elle fait le voyage dans le taxi du frère d’une nonne avec qui elle entretient d’excellentes relations, un type pas très sympa qu’on imagine bien lui faire vivre le pire, à la façon dont il la regarde un peu à la dérobée, et à sa façon de parler. Mais il ne faut pas se fier aux apparences avec Aperti… Un deuxième voyageur les rejoint dans un bled, un peu plus loin, médecin pro-science et très anti-religieux, qui s’adresse de façon peu amène à la jeune novice et la mettant sans la connaître dans le même sac que tous ceux qui prient pour guérir plutôt que d’aller voir le toubib, au point de faire intervenir le chauffeur en faveur de la jeune femme. Il ne faut pas se fier aux apparences… A l’hôpital, le médecin emmène Cristina chez son collègue neurologue et lui sert de coupe-file. La jeune femme n’a pas vraiment besoin d’un neurologue, elle a rendez-vous avec une autre spécialiste dans la salle d’attente de laquelle elle se rend ensuite.
Au retour, elle trouve un autre taxi. Le chauffeur a l’air plutôt sympathique. Il ne faut pas se fier aux apparences, il va profiter du moment où la novice s’isole dans un bois pour se changer et reprendre l’aspect d’une novice pour se jeter sur elle, et dans une scène hallucinante de viol en hors-champ, la mettre hors d’état de témoigner en finissant son travail avec une pierre (objet contendant redoutable pour tuer une personne, même jeune, en la frappant au visage et sur le crâne). C’est la scène centrale du film, pendant que le sale mec commet son sale acte, la caméra fait un 360° et nous montre deux vergers à cheval regrouper leur troupeau, sur fond de cris de peu et de souffrance (le bruit des sabots couvre la voix de la novice…).
Deuxième partie, un flic acharné et obsédé par l’affaire, enquête, prêt à tout (jusqu’à créer de toute pièce un indice) pour faire avouer le présumé coupable, qui nie en bloc. Autoritaire, à l’excès, au point de faire subir à son adjoint une sanction injuste parce qu’il tient des propos mystico-religieux (encore !), nerveux, violent avec le coupable, on le voit dans une scène importante chercher à faire parler la victime (la pierre n’a pas eu raison de sa vie) pour lui faire identifier le coupable sur photos. En vain. Elle finit par lui chuchoter quelque chose à l’oreille (on ne saura pas quoi…), mais l’inspecteur compte sur le choc provoqué chez le coupable par la confrontation avec le lieu du crime sur lequel il l’emmène, avec trois de ses subordonnés. Il a un putain de pétard sur lui et on craint un dérapage. La fin du film arrive, au bout de deux heures d’une drôle d’enquête, celle du spectateur qui se demande s’il doit croire ce qu’il voit ou entend, et après un switch bien amené, le dénouement tombe, glaçant, froid et coupant comme une lame. tout le monde rentre à la maison. Aperti joue avec les codes du polar pour faire autre chose, on se demande un peu quoi en sortant de ce film dont on se dit qu’on la vu sans déplaisir, mais qu’on n’a sans doute pas vu un film complètement abouti. Il est vrai que son réalisateur a mis la barre très haut. L’a-t-il franchie ? On n’en sait à vrai dire foutre rien.