Juste sous vos Yeux, Hong Sangsoo

Une femme vieillissante, Sangok, qui réside aux Etats-Unis depuis plusieurs années rend visite à sa sœur cadette en Corée du Sud. Elle a aussi rendez-vous avec un réalisateur de cinéma, qui l’a vue dans des films datant des années 90 et garde de son visage filmé un souvenir ébloui. Elle n’est plus actrice depuis déjà longtemps, pourtant il souhaite la faire tourner dans un film dont il a le projet, mais dont le scénario n’est pas encore écrit (il lui faudrait un an avant de pouvoir tourner).

Le film dont il est question ici commence dans l’appartement de la jeune sœur de Sangok. L’actrice devenue commerçante (elle a une boutique d’alcools), déjà réveillée, finit son café en regardant dormir celle à qui elle rend visite. On l’observe depuis un moment, elle est encore belle, très fine, s’allonge sur le canapé ou elle passe la nuit, se masse le ventre, s’adresse à un Vous qui semble être un esprit, une entité ou une force supérieure et à qui elle parle comme à une personne présente. C’est que Sangok a une spiritualité personnelle qui reviendra régulièrement au long du film et en particulier quand elle ouvrira son cœur au réalisateur avec qui elle a rendez-vous et qu’elle finit par retrouver après que les deux femmes soient sorties pour prendre un petit-déjeuner sur une terrasse auprès d’une rivière, dans un décor beau et apaisant qu’elles vantent toutes deux (il est question en passant de la possibilité que Sangok revienne vivre en Corée, de ce qu’elle gagne aux Etats-Unis, très peu en vérité, elle n’a pas d’économie, puis des relations à distance des deux sœurs, ou plutôt de leur inexistence, de blessures anciennes…), puis qu’elles aient rendu visite au jeune neveu de Sangok, dans un petit snack qu’il tient avec son amie (mais il est absent), avant qu’enfin la rencontre professionnelle (à laquelle Sangok, après avoir hésité à l’honorer, se rend, retrouvant le cinéaste et son assistant dans un café fermé, mais dont il a les clés…) ait lieu. Il semble que le film dont rêve le cinéaste ne puisse pas avoir lieu du fait de Sangok. Un court-métrage est alors envisagé, en remplacement, qui commencerait dès le lendemain. On pense même a une ville, Incheon si ma mémoire est bonne. Le réalisateur dit à l’ancienne actrice toute son admiration, elle remercie, elle rit beaucoup, elle est effectivement lumineuse, les cœurs s’ouvrent, mais il ne s’agit pas d’en dire plus ici. La scène est suffisamment cruciale pour qu’on la passe sous silence… Le mysticisme de Sangok a ses raisons qui sont dites et très belles. On boit beaucoup. Il y a de la délicatesse dans les échanges entre les deux personnages, comme dans tous les échanges qu’entretient Sangok avec tous ceux qu’elle croise, même un court moment, durant ce film d’1h26, beaucoup de politesse toute coréenne entre les personnages, c’est très délicat, charmant. Quand le réalisateur parle de sa conception du cinéma (Sangok a vu ses films qu’elle a aimés), il parle de la nouvelle comme du genre littéraire qu’il préfère et veut reproduire dans chacun de ses films, qu’il souhaite réaliser comme autant de formats courts. Il semble bien que ce soit aussi et surtout le projet de Hong Sangsoo dans ce dernier opus de sa longue filmographie, et c’est une réussite éblouissante que je vous engage à ne rater sous aucun prétexte, tant le film est beau, à la façon d’un hommage vibrant à la vie.

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s