
« Kleist n’édulcore jamais rien, que ce soit pour excuser ses personnages, ou pour mettre de l’ordre dans son récit. Il ne confond pas non plus profondeur et mystification, comme bien des auteurs modernes ; dans une œuvre de Kleist, on n’a jamais à se poser la question de savoir qui fait quoi à qui et pourquoi. Mais ce dont il ne se mêle pas, ou plutôt, ce qu’il met en lumière, ce sont les contradictions inexplicables de la vie. Gœthe, comme jadis les producteurs d’Hollywood, pensait qu’il fallait transformer la réalité en la rendant plus équilibrée, plus harmonieuse, et moins brutale (…) au bénéfice du réconfort et de l’élévation morale ; or Kleist représentait la vie telle qu’il la trouvait – incertaine, inquiétante, et inexplicablement absurde. »
Stephen Vizinczey, Vérités et mensonges en littérature