
« Genet n’était pas un homme juste. Il se moquait pas mal d’être ou de ne pas être juste. Il portait des jugements acerbes et sans appel sur les gens et ne laissait pas à son interlocuteur la moindre chance de contester ses a priori. Il ne s’intéressait pas aux écrivains. En tout cas, quand je l’ai rencontré, il détestait parler de littérature, de poésie ou même de la langue. Il jouait à celui qui avait fait le tour de la question. Je trouvais cette attitude non seulement injuste mais inhumaine, car il se mettait hors d’atteinte. Il recevait des centaines de livres souvent dédicacés qui s’amoncelaient dans son petit studio ou qui s’entassaient dans un coin du bureau de Laurent Boyer chez Gallimard. Il ne les lisait pas, parfois ne les ouvrait même pas. Je me suis souvent demandé par quel heureux hasard il avait lu mon premier roman, point de départ de notre rencontre.