
« Quand tu écris, me dit Genet, pense au lecteur, donne-lui ta main, ou prends la sienne ; sache qu’il n’est pas obligé de te suivre et qu’à n’importe quel moment il peut lâcher ta main et s’en aller. Alors, il faut être avec lui, non contre lui. Evite les élucubrations, le maniérisme, les mots difficiles qui te font plaisir mais qui te font perdre le lecteur, attention, il ne s’agit pas de le caresser dans le sens du poil, non, mais sois sincère, et raconte-lui une histoire même si elle est cruelle, méchante ou simplement terrible… Evidemment, il ne s’agit pas d’être content de toi ! Et puis, je voudrais attirer ton attention sur ce qu’on appelle « le lyrisme ». Je sais qu’il n’y a pas d’autre manière de dire la beauté d’un acte ou d’une personne que par ce chant intérieur qu’on traduit par des mots ; mais il faut qu’il soit juste, je veux dire, fais attention de ne pas croire que tous les actes héroïques sont beaux donc exprimés par une forme lyrique. »
Tahar Ben Jelloun, Jean Genet, Menteur sublime