Jean Genet, Menteur sublime, Tahar Ben Jelloun

Quand Genet téléphone à Ben Jelloun pour lui proposer une rencontre en lui disant que s’il ne le connait pas, lui a lu ses livres, il se dit que c’est le monde à l’envers… Jean Genet, Menteur sublime raconte cette rencontre, ces rencontres entre les deux hommes, qu’il n’ose appeler amitié. Par chapitres courts, il est question de l’homme Genet, celui qui n’est plus un écrivain, c’est en tout cas ce qu’il affirme, et qui se consacre essentiellement au militantisme de ses dernières années, et en particulier à sa défense de la cause palestinienne, pour laquelle il a fait appel à Tahar Ben Jelloun : Sa voix ; Politique ; Saint Genet ? ; Giacometti ; Homosexualité ; Tumeur ; Genet accusé ; Ecrire ; Incohérences, parmi d’autres, et comme pour donner une idée de la tonalité du livre. Il y est aussi question de ceux qui tournent autour de Jean Genet, ces trois hommes, Jacky, Abdallah et Mohamed, mais aussi de quelques femmes, et en particulier de Leila Shahid, que Genet va vite « adopter », chose rare chez lui avec les femmes.

Les deux écrivains ne parlent jamais de littérature, ou presque. Genet ne veut pas parler de ses livres. A quelques reprises, il livre à Ben Jelloun quelques « secrets » d’auteur, que Tahar Ben Jelloun considère visiblement comme des leçons à ne pas oublier. Douze ans de rencontres sans parler littérature une seule fois, c’aurait été quand même un peu fort ! Il existe déjà un très beau livre sur Jean Genet, une biographie de Jean-Bernard Moraly, Jean Genet, la Vie écrite, qui donne à voir un autre Genet, celui que cacherait une image, celle que le menteur sublime aurait créée par ses romans et à laquelle tout le monde aurait fini par l’identifier. Le récit de Tahar Ben Jelloun, avec toutes ses anecdotes, mais aussi avec l’analyse qu’il donne du personnage politique et intime, Jean Genet. C’est aussi la période où, se sachant malade et proche de la mort, Jean Genet écrit son dernier livre, sans en parler à qui que ce soir, Le Captif amoureux, dont il est un peu question à la fin dans les souvenirs de Tahar Ben Jelloun. Bref, le Menteur sublime de Tahar Ben Jelloun est un texte à lire pour qui souhaiterait en savoir plus sur les dernières années de « l’écrivain voleur », auteur de si beaux romans et d’une œuvre qui fait de lui l’un des plus grands auteurs du XXe siècle, aux côtés de Céline et Beckett, qu’on se demande un peu abasourdi pourquoi il est si peu cité et si peu lu, pourquoi la France semble vouloir l’oublier (Genet la détestait profondément, et à juste raison), pourquoi les librairies qui ont quelques ouvrages de Jean Genet sur leurs étagères sont si rares (c’est d’ailleurs à mes yeux un critère assez imparable de qualité d’une librairie de fond qui se respecte : avoir aussi des bouquins de Genet à proposer aux lecteurs, et pas seulement tout Proust et quelques Céline !). Un livre à lire sans peur de se tromper.

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