
L’homme est sympathique. Henry Miller, auteur du Colosse de Maroussi, lu dans un temps lointain où la Grèce me semblait être une sorte de paradis sur terre. Mais pour le reste de son œuvre, qui compte quelques titres visiblement importants, il m’aura fallu bien du temps avant d’y jeter un œil. Le hasard aura donc choisi pour moi ce Tropique du cancer, trouvé dans un vide-grenier pour la modique somme de 0,50 ! L’auteur est ambitieux. Il veut se situer au-dessus de la littérature. Soit, qu’il en soit ainsi. Son narrateur, qui est-il ? Lui, semble-t-il. Le bouquin est écrit en 1934. Avec un peu d’avance, Miller me fait donc penser au Céline des derniers romans, dans la démarche, une narration à la première personne avec des histoires qui viennent tout droit de la vie. J’avoue qu’aujourd’hui, ce type de bouquin ne me mobilise pas en tant que lecteur. Et puis, il y a le style. Lyrique à souhait, loin de la froideur ennuyeuse de l’objectivisme ou autres écritures impersonnelles dans l’air du temps d’aujourd’hui, qui s’envole vers la poésie en prose, par moments, se satisfait du prosaïque ou du vulgaire de la vie quotidienne à d’autres moments. C’est bien foutu, le gars sait y faire, mais les anecdotes rapportées ne sont pas si souvent passionnantes. Des histoires de poules, à fric ou sans le sou, des histoires d’Américains à Paris, sans le sou la plupart du temps. Des histoires de boire, aussi. Avec beaucoup d’avance, Miller fait penser, parfois, en bien moins trash, au divin Bukowski. Mais Bukowski jure ses grands dieux qu’il n’arrive pas à lire Miller, il ne l’aurait donc pas influencé. Miller pourrait faire penser aux Beats, aussi, à Kerouac peut-être. Mais cela importe assez peu. On peut parfois se dire qu’il a lu Rabelais, Lautréamont… Il rend surtout hommage, en parlant de lui à plusieurs reprises, à Walt Whitman. Le livre se lit facilement, entre quotidien et transcendance, entre pensées profondes et allusions à la météo ou aux conditions de vie difficiles des uns et des autres, et surtout du narrateur. Ici et là, une sorte de prémonition du chaos vers lequel va le monde de l’époque, mais sans dimension historique ou politique. Le projet du bonhomme est vite présenté : « Ce n’est pas un livre. C’est un libelle, c’est de la diffamation, de la calomnie. (…) C’est une insulte démesurée, un crachat à la face de l’Art, un coup de pied dans le cul à Dieu, à l’Homme, au Destin, au Temps, à la Beauté, à l’Amour !… à ce que vous voudrez. » OK, Henry. Tu t’emballes un peu, non ? Pour honorer pareil contrat, il aurait sans fallu être plus radicalement radical que tu ne le fus à cette occasion. J’ai lu ton livre, dont l’écriture ne m’a pas déplu, je n’y ai pas vu un tel chef-d’œuvre situé au-dessus de la littérature. Peut-être fut-il accueilli en son temps comme un ouvrage scandaleux, qu’en sais-je, peut-être avais-tu envie d’y voir un brûlot ou un libelle, mais le temps a passé, et d’autres ont poussé plus loin que tu ne le fis l’art de la provocation et de l’outrage, et ce livre, Tropique du cancer, m’a paru bien inoffensif. Merci quand même, Henry, pour tes louables efforts…
J’ai lu le livre il y a longtemps. J’avais bien aimé. J’ai le souvenir de l’expression d’une grande liberté et des plaisirs intenses et fugitifs de la vie au quotidien.
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Je comprends. Il y a quelque chose de sympathique chez ce vagabond américain. Mais le roman m’a paru daté, ce qui n’engage que moi.
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