La Sorcière, Marie Ndiaye

Le titre de ce roman peut sans doute donner envie de le lire à des lecteurs qui ne sont pas passionnés de réalisme. Lucie, la narratrice de ce roman, est la sorcière en question, une sorcière de bas niveau, alors que sa mère est capable de tous les exploits. le livre commence quand ses deux filles ont douze ans et sont prêtes à être initiées. Tout le monde le sait, l’héritage génétique saute une génération. Maud et Lise vont très vite s’avérer particulièrement douées. Ok, jusque-là tout va bien. Hélas, comme tout un tas de romans qui respectent les conventions classiques du roman ………. (chercher un adjectif qui rime), La Sorcière nous offre donc une famille au grand complet, avec un mari qui manque d’enthousiasme et pue l’envie de fuir le foyer conjugal à plein nez, un type qui ne s’intéresse pas aux dons de sa femme et ne s’occupe pas de ses filles, qui ne s’en préoccupent pas plus que ça, une voisine aux goûts vulgaires, qui a un certain charisme mais est surtout une fâcheuse, une cité pavillonnaire un peu miteuse, nous voilà avec des personnages contextualisés, un père et une mère séparés, que Lucie voudrait réconcilier, on se demande bien pourquoi (quel conformisme !), un père qui est en pleine réussite professionnel (il bosse dans le privé, dans les assurances, je crois… et alors qu’il vient d’avoir une belle promotion se fourre dans une sale histoire de fraude professionnelle qui lui vaudra sa place). Pfffff ! On va y arriver. En fait, cette histoires de sorcières, si on oublie qu’elles ont des pouvoirs, c’est une triste histoire de gens de la france profonde, sans passions, sinon le fric et un pseudo-pouvoir pour la voisine Isabelle, sinon le fric et le plaisir egotique de se faire une femme plus jeune que lui pour le père, avec au milieu de tout ça une sorcière paumée, la Lucie, qui subit la vie, son mari qui se taille en lui volant les douze mille francs que son père lui a donnés, à la légère, puisque c’est du fric volé qu’il lui redemande finalement, mais trop tard, un mari veule et sans consistance qui fuit la famille pour en adopter une nouvelle qui lui pèsera aussi vite que la première, une sorcière, Lucie, qui subit la métamorphose et la surprise que lui font ses filles, qui ne contrôle rien, qui retombe entre les pattes de sa voisine Isabelle quand elle devrait se féliciter de la voir quitter la cité, bref, c’est une histoire abracadabrante, aux rebonds foireux, qu’on peut trouver fantaisiste, mais qui en fait ne décolle pas du ras des pâquerettes et multiplie les hasards tellement énormes (chaque fois que Lucie se déplace quelque part en France, elle croise et retrouve Isabelle) qu’on n’y croit pas et les facilités d’une intrigue si alambiquée qu’il faut bien que son auteure se laisse aller à des tours de passe-passe à la noix pour la dénouer. C’est franchement poussif.

A part ça, Marie Ndiaye a une syntaxe de très haut niveau (elle a d’ailleurs obtenu le Prix Goncourt pour Trois Femmes puissantes, c’est vous dire si c’est une bonne écrivaine… hin ! hin ! hin !), son bouquin est publié chez Minuit (ils ont dû penser qu’il avait un potentiel commercial certain), et des journalistes de la presse parisienne l’encensent : Lepape (Le Monde) trouve ça brillant : « … la plume ensorceleuse de Marie Ndiaye confectionne un roman paré de toutes les séductions » (sic). Pour le reste de sa critique, publiée à la fin du roman, elle est vraiment géniale, car elle réussit à voir du génie là où il n’y en a pas. Quant à Michèle Grazier (Télérama), elle fait dans la métaphore pour trouver des qualités indiscutables au bouquin et à son écrivain, ou alors elle accumule les clichés critiques : « Marie Ndiaye la virtuose ne veut pas jouer le jeu de l’émotion ordinaire, elle casse les pentes trop douces de la compassion, elle brouille les pistes, elle substitue le rire aux larmes. Et comme les plus grands écrivains, elle nous envoûte. » (N’hésitez pas à acheter tous les livres de Marie Ndiaye !). A noter que ces deux citations pourraient être utilisées pour parler de n’importe quel autre livre ou écrivain, même si les deux journalistes ont pris le soin d’utiliser des mots du champ lexical de la sorcellerie. Bref, lisez ce livre si ça vous chante, mais ne vous attendez pas à tomber sur un chef-d’œuvre. La sorcière ferait une très bonne série télé…

9 réflexions sur “La Sorcière, Marie Ndiaye

      1. granmocassin

        Lepape et Gazier étaient mariés, de là à dire que tout ce beau monde de l’édition et de la critique se côtoie comme cul et chemise… Enfin rien contre eux précisément, mais beaucoup trop dans les envolées lyriques et l’emphase critique, servile comme tu dis.

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