L’Amant, Marguerite Duras

Relecture, évidemment, de ce Prix Goncourt 1984 (ça ne nous rajeunit pas, ma bonne dame…), histoire de revenir sur une non-lecture, faite il y a presque quarante ans, en pensant sans doute à autre chose, par ennui, avec le sentiment final de n’avoir rien compris rien retenu. Cette fois, j’étais donc mûr pour apprécier un roman de haute littérature primé par le jury Goncourt, pour une fois que ce prix allait à un vrai livre. Mais bon, si la sagesse populaire dit que jamais deux sans trois, il n’y aura pas de troisième lecture de L’Amant de Marguerite Duras, faut pas non plus pousser grand-père dans les orties.

Aujourd’hui, à la télé, dans les médias, on ne nous parle plus guère de Duras, la star du moment s’appelle Ernaux, il faut faire vendre ses livres (qui s’étalent sans pudeur sur les tables de toutes les bonnes librairies de France, omniprésents, c’est Gallimard qui va être content !) et l’animateur historique de la Grande Librairie, qui se contente maintenant de la Petite Librairie, nous parle, enthousiaste, de je ne sais plus quel roman, oui, Les Années, et de nous chanter les louanges de cette auteure qui écrit merveilleusement et fait de sa vie, de la vie le matériau de sa littérature. Comme si elle avait inventé une nouvelle manière. Revenons à L’Amant. Que fait Marguerite Duras dans ce bouquin ? Exactement ce qu’Ernaux fait, de la littérature avec un moment de sa vie, choisi dans sa toute jeunesse (la narratrice a quinze ans). Bon, le bouquin s’appelle L’Amant. Il pourrait tout aussi bien s’appeler La Mère (dont il est abondamment question dans ces 140 pages, une drôle de mère, dépressive un peu, beaucoup, pas très sympathique avec ces deux enfants les plus jeunes, et qui n’a pas réglé, c’est le moins qu’on puisse dire, son Œdipe avec son fils aîné), Le grand Frère (une espèce de pervers narcissique, un beau numéro de PN comme on dit parfois aujourd’hui, que la narratrice considère comme le responsable de la mort du petit frère, mais après une lecture attentive cette fois, je ne saurais pas dire pourquoi ni comment, mais bref, un bon à rien qui joue au casino tous les biens de sa mère et de sa famille, incapable qu’il est de gagner sa vie, un parasite en somme !) ou La Mort du petit frère (un petit frère plus âgé de quelques années que sa sœur, la narratrice, qui l’aime bien, un petit gars qui n’apprend pas grand chose à l’école, et qui se destine à devenir comptable, il n’y a pas de sots métiers !). Bref, il est question des relations familiales de la narratrice avec sa mère et ses frères (le paternel est aux abonnés absents), d’une drôle de famille dont le goût du dialogue n’est pas l’atout numéro 1. Mais bon, L’Amant, ça t’a une autre gueule, et quand on veut choper un prix important, c’est sans doute plus porteur. Car de l’amant, s’il en est bien question dans ce roman (qui a obtenu le Prix Goncourt en 1984, il est important de le rappeler), c’est quand même un peu comme en marge. Annie Ernaux, elle, quand elle écrit un bouquin sur sa vie amoureuse et sexuelle, il n’est question que de ça (Passion simple, Se perdre… Pensez à acheter tous les romans d’Annie Ernaux, soyez braves !). Bon, revenons à L’Amant, je ne vais pas vous raconter l’histoire, vous la connaissez par cœur, même si vous n’avez pas lu le bouquin, vous avez au moins vu le film qui en a été tiré. C’est vous dire si c’est un bon livre ! Il y a donc bien quelques pages consacrées à cet amant chinois, celui par qui tout le malheur de la mère arrive, puisque la passion de sa fille, qui a quinze ans et va au lycée, en internat, d’où elle sort comme d’un moulin, avec l’aval pour finir de sa mère, pour aller passer la nuit dans la garçonnière de son amant chinois, cette passion scandaleuse va faire la réputation de sa fille, qu’il sera impossible de marier, la catin, maintenant qu’on sait ce qu’on sait ! Il y a aussi quelques (très belles) pages sur Hélène Lagonelle, une petite garce avec qui la narratrice est mon cul ma chemise à l’internat, et qui est belle comme un hélicoptère, une fille simple, pas une intellectuelle, qui ne comprend pas grand chose à sa vie, qui voudrait bien mieux retourner auprès de sa mère (ah, les filles et leur mère, chez Duras !) que d’aller dans ce lycée où elle n’apprend rien, qui ne comprend rien à ce qui lui arrive et ce qui va lui arriver quand on va la marier, qui promène son corps scandaleux et beau dans l’internat où elle se balade à poil (« Elle est impudique, Hélène Lagonelle, elle ne se rend pas compte, elle se promène toute nue dans les dortoirs. » Je crois que la bave me monte aux lèvres, là…) : « Je suis exténuée par la beauté du corps d’Hélène Lagonelle allongée contre le mien. Ce corps est sublime, libre sous la robe, à portée de la main. Les seins sont comme je n’en ai jamais vus. Je ne les ai jamais touchés. » Et en plus, la narratrice elle mettrait bien la Hélène Lagonelle dans le lit de son amant chinois pour qu’il fasse sur elle, Hélène Lagonelle, ce qu’il fait sur elle, la narratrice, et sous ses yeux encore ! Bref, c’est L’Amant, de Marguerite Duras, un roman qui a eu le Prix Goncourt en 1984, une sorte « d’autofiction » (on appelait pas ça encore comme ça, à l’époque), un roman en partie autobiographique, qui raconte la rencontre d’une jeune femme de quinze ans avec un Chinois un peu plus âgé (il a quand même une trentaine d’années le bougre !) qu’elle, un type à femmes, qui tombe éperdument amoureux d’elle, mais c’est un amour impossible, elle, elle fait son éducation amoureuse et elle s’en fout des sentiments, lui, de toute façon, son père a d’autres intentions pour lui, il le mariera avec une femme qu’il a choisie pour lui, une Chinoise, ça va de soi, un mariage de raison en quelque sorte, sacrément arrangé le mariage. Mais le truc, c’est qu’il (l’Amant) lui avouera un jour, à la narratrice, au téléphone, qu’il l’aime encore et qu’il l’aimera jusqu’à la fin de ses jours, là, c’est la fin du roman, j’ai dévoilé le dénouement, c’est pas bien ! Et n’oubliez surtout pas d’acheter tous les livres d’Annie Ernaux !

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