
Auteur inconnu, bibliographie à découvrir (?), Gallimard va chercher au Japon un écrivain de la première moitié du XXe siècle que les lecteurs lambda comme celui qui écrit cette humble chronique ne peuvent pas connaître. Le titre est osé, violent. L’homme, l’écrivain est né en 1909. Il s’est suicidé en 1948 et n’aura jamais 40 ans. Est-ce une autobiographie ? Il semble que non, mais va savoir… Il a publié très peu. Une très bonne nouvelle, semble-t-il, intitulée La femme de Villon (ce qui nous le rend sympathique). Deux romans importants : Le Disqualifié et Soleil couchant.
La préface sent bon son XIXe siècle : une voix nous parle du narrateur du texte qui va suivre, un texte en trois carnets. De trois photographies qu’il a vues de lui. La première, une photo d’enfance, la deuxième, une photo d’étudiant, la troisième une photo sur laquelle il semble impossible de donner un âge à cet homme. Dans tous les cas, il s’agit d’un homme singulier, inclassable et différent.
Puis commence le texte. Les 70 premières pages sont un peu ennuyeuses, pourquoi le cacher. Trop de psychologie, le narrateur raconte son enfance. Il est très vite devenu un « bouffon », mot qui pour se qualifier reviendra sous sa plume pendant tout le livre. Alors pourquoi se contenter de le répéter et ne pas en donner plus d’exemples concrets qui feraient vivre le bouffon plutôt que le traiter de bouffon ? Dire le bouffon, ne pas dire « je suis un bouffon » ou « j’étais un bouffon »… Fais donc vivre ton bouffon ! L’homme enfant est un beau paradoxe, bouffon en apparence, triste comme un clown triste à l’intérieur. OK, tout va bien, il y en a d’autres. Non, Osamu, t’es pas tout seul !
Puis à partir de la page 70, même si les défauts signalés précédemment ne disparaissent pas, le roman (car je le lis comme tel) devient plus intéressant, le bouffon entre dans sa phase de déchéance d’un homme, il manque son suicide avec une maîtresse qui ne rate pas le sien, il devient un délinquant que la justice traite comme un homme qui mérite une tutelle, il est rejeté par sa famille qui ne l’abandonne pas complètement puisqu’elle lui fait parvenir de l’argent, il est pris en charge par un ami de la famille qui le loge et lui fait la morale, il ne travaille pas ni ne fait des études, puis il rencontre une femme, boit du saké, trop de saké, ne trouve pas sa place. Car notre narrateur, ce bon enfant, bouffon de surcroît, qui aurait boulu être un artiste, mais ne s’en trouve pas le talent, est sans doute trop beau pour ce monde. Triste, mais plein d’humour dans son récit, il ne fait que décrire les 27 premières années d’une vie qui ne trouve pas de sens. Etrange livre, dont on ne dira pas qu’il doit être absolument découvert, mais peut-être les curieux de littérature japonaise auront-ils le désir de connaître l’œuvre de Dazai, tout ou partie, à eux de voir