
Parodie d’une drôlerie habituelle chez Mendoza (auteur de Sans Nouvelles de Gurb, ou encore du formidable Les Aventures miraculeuses de Pomponius Flatus, deux romans hilarants parmi tant d’autres) du bon vieux polar, L’Artiste des dames est le troisième volet d’une série qui ne s’en est pas tenue là. Truculent, burlesque, ce roman se lit indépendamment des opus qui le précèdent. L’intrigue est délirante, les personnages farfelus et le style décoiffant. L’auteur se joue des codes (du polar, mais aussi de certains codes théâtraux issus du Vaudeville, par exemple, quand un soir, dans la chambre du narrateur, se succèdent les personnages utiles à l’intrigue, et pour la plupart très proches les uns des autres, qui témoignent ou se livrent et qui doivent tous se cacher dans les moindres recoins de la petite chambre, au point pour certains de se retrouver en situation de très – trop – grande promiscuité) et son narrateur n’a de cesse de porter un regard amusé et amusant sur sa façon de narrer. Aussi le texte se lit-il d’une traite, sans jamais qu’il se prenne au sérieux, tout comme son auteur qui est pourtant reconnu comme un grand de la littérature catalane.
Le personnage principal et narrateur de ce roman sort d’un asile de fous où il a passé plusieurs années après avoir commis quelques actes de délinquance notoires, et retrouve sa soeur, une prostituée barcelonaise, dont le mari, Viriato, se montre accueillant à l’égard de ce beau-frère tombé du ciel, qu’il invite à tenir son salon de coiffure. La clientèle est rare, le coiffeur est débutant, mais très vite son passé le rattrape : une cliente (voir incipit : « Lorsque ses jambes (bien faites, et tout et tout) sont entrées dans le local où j’exerçais mon office, cela faisait déjà plusieurs années que je vivais dans le plus total abrutissement »). Il accepte alors le « travail » qu’elle lui propose, un job pas très honnête, et vole des documents dans les bureaux d’une entreprise à la raison sociale on ne peut plus claire, Le filou catalan. Las, un crime a lieu dans ces bureaux, la nuit même où il y est présent. Dès lors, pour éviter des ennuis plus grands encore, le coiffeur se lance dans une enquête délirante, qui n’a pour but « que » de prouver son innocence (Ivette, la jeune femme à la plastique impeccable qui l’a mis sur le coup n’a bien sûr rien à voir avec son soudain investissement). Voilà le lecteur embarqué, pas vraiment à l’insu de son plein gré, dans une intrigue délirante qui ne lui fera plus lâcher ce bouquin à l’humour décapant, à la fantaisie réjouissante, une intrigue invraisemblable, avec des personnages invraisemblables, auxquels on se plait à croire tant l’écriture nous entraîne où l’auteur le souhaite et tant la narration se permet détours, digressions et feintes de corps dont le lecteur est le premier à rire, après l’écrivain lui-même, sans nul doute. Un roman à lire pour le plaisir de rire, donc, ce qui n’est pas interdit, surtout quand l’écrivain qui est à la baguette maîtrise à ce point son art.