La Semaine perpétuelle, Laura Vazquez

Laura Vazquez est une jeune poétesse marseillaise dont l’œuvre de poésie sonore peut sans doute, si l’on veut y apposer une étiquette, être située dans la filiation d’un Christophe Tarkos. Ici, avec La Semaine perpétuelle, on a affaire à un premier roman, dont la poétique est proche de ce que Vazquez écrit habituellement, et qui peut faire penser à ce qu’écrit Charles Pennequin (même si la jeune auteure ne le citerait sans doute pas parmi ses influences, ce dont à vrai dire je ne sais rien). Autant dire que ce livre n’est pas à classer sur le même rayon que les romans plan-plan qui inondent les tables des librairies, ces bouquins sans âme, ces bouquins qui ne cherchent surtout pas à expérimenter, ces bouquins à l’intrigue linéaire, ces livres assez impersonnels qu’on oublie aussitôt qu’on les a lus, soulagé d’en finir avec eux. Bref, La Semaine perpétuelle narre, si on peut dire, si on veut en résumer « l’intrigue », l’histoire d’une drôle de famille : le père a des éponges pour tout, plafond, sol, murs, couverts, grand-mère, enfants, même pour effacer le passé, enfin il aimerait en avoir une de ce genre, et il nettoie tout, sans cesse ; Sara, la fille aînée, ne supporte pas trop la réalité trop proche ; Salim, le fils, ne sort plus de la maison, ne va plus à l’école, et publie sur Internet des vidéos, mais aussi des poèmes ; la grand-mère est malade et même plus, elle va mourir si sa fille ne lui fait pas don de je ne sais plus quel organe, peut-être du sang. La mère s’est barrée, elle a abandonné toute la maisonnée, le père ne veut plus parler d’elle, ça le met en colère, il veut l’oublier. Voilà le fil rouge de ce texte, qui part vers d’autres cieux, poétiques, à la moindre occasion. Les jeunes protagonistes du livre ont toujours le portable à la main et le texte parle beaucoup des publications délirantes de Salim, mais aussi de ce qu’il trouve sur Internet, des commentaires sur ses vidéos ou ses textes.

L’écriture est étrange, simple, obsessionnelle, répétitive (cf Pennequin) et n’est pas celle de la majorité des romans, il s’agit d’une écriture poétique, on pourrait dire que La Semaine perpétuelle est un roman-poème (cf Pennequin). En voici l’incipit : « Une tête ne tombe pas, elle ne peut pas tomber. Elle est reliée par un fil qui descend jusqu’en bas de la personne, et sil la tête tombe, le reste tombe. Il ne faut pas casser notre tête, mais on peut casser nos membres. Quand on se casse un membre, on se souvient du membre. Quand une dent s’infecte, elle vibre à l’intérieur, on dirait qu’elle nous parle. » etc… Il y a quelques trouvailles dans l’histoire, un espace noir dans la chambre de Sara, par exemple, dans lequel il ne faut pas entrer, qu’il ne faut pas approcher de trop près. Un jour, Sara dit à son père qu’elle est entrée dans le trou noir de sa chambre. Il ne lui ai rien arrivé de grave, mais le père n’aime pas ça, il lui reproche, il reproche à ses enfants, de toujours faire des histoires. Il a l’assistante sociale, un homme, sur le dos depuis que Salim n’est plus scolarisé. Le père est inquiet, il ne voudrait pas perdre le logement social qu’on lui a accordé. « Je peux vous enlever votre maison, ce qui compliquerait une situation déjà complexe, et ça personne ne le souhaite, monsieur, surtout pas moi, surtout pas vous, vice-versa. (…) Tous les documents relatifs aux personnes à charge ont été remplis par ma supérieure dans un bureau blanc sur un ordinateur énorme. Un bureau neuf, non personnalisé, sur un ordinateur immense. J’ai assisté en personne à la procédure d’unification des éléments. La situation est alarmante, monsieur, façon de parler bien sûr, car alarmante ne signifie pas qu’une alarme va sonner dans votre maison, ne vous y trompez pas. » Voilà comment parle l’assistante sociale, qui est un homme.

Le roman est long (320 pages), il aurait sans doute pu être plus court, sans que l’ensemble en souffre. Laura Vazquez a écrit une œuvre originale, depuis sa voix de poète sonore, un texte qui mérite de trouver ses lecteurs et ses lectrices, car tous les écrivains qui cherchent autre chose, ce qui est son cas, le méritent. Lisez sans peur Laura Vazquez !

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