
Marguerite Duras, dans un article critique de France Observateur daté du 5 novembre 1964 et intitulé Une oeuvre éclatante, parle de L’Opoponax de Monique Wittig en disant : « Mon Opoponax, c’est peut-être, c’est même à peu près sûrement le premier livre moderne qui ait été fait sur l’enfance. Mon Opoponax, c’est l’exécution capitale de quatre-vingt-dix pour cent des livres qui ont été fait sur l’enfance. C’est la fin d’une certaine littérature et j’en remercie le ciel. » Le décor est planté… Elle poursuit : « C »est à la fois un livre admirable et très important parce qu’il est régi par une règle de fer, jamais enfreinte ou presque jamais, celle de n’utiliser qu’un matériau descriptif pur, et qu’un outil, le sens. » Monique Wittig, de son côté, affirme qu’elle a appris son métier avec les nouveaux romanciers. Duras prolonge : « Ce qui revient à dire que mon Opoponax est un chef-d’oeuvre d’écriture parce qu’il est écrit dans la langue exacte de l’Opoponax. »
Tout comme Les Guérillères, L’Opoponax de Monique Wittig est en effet un très grand livre, totalement maîtrisé dans sa forme, sans pour autant provoquer l’ennui. Il suffit de lire les essais de Wittig sur ses propres livres, sur la façon dont elle écrit ces livres, sur la façon dont elle considère la littérature pour comprendre qu’on a affaire à une écrivaine à l’esprit structuré, qui n’écrit pas à l’improviste, mais qui réfléchit ses livres, qui pense, depuis son atelier littéraire, à la meilleure forme envisageable pour chacun de ses romans. Toute oeuvre littéraire qui se veut un peu nouvelle et veut dépoussierrer la littérature, dit-elle à peu près, est un cheval de Troie. Une arme, envoyée sous la forme d’un cadeau, d’une offrande, qui une fois acceptée par l’adversaire, par l’ennemi, va s’avérer ce qu’elle est réellement : un ennemi sans pitié (c’est moi qui interprète la déclaration de Wittig).
Le travail romanesque, c’est toujours elle qui le dit, mais c’est une évidence à la lecture de ses romans, passe par le choix d’un point de vue et d’une personne (un pronom personnel). Dans Les Gérillères, c’étaient « elles », dans L’Opoponax, c’est le « on ». Tout l’art romanesque de Wittig ne tient pas dans ce choix somme toute basique (encore que…), mais dans l’élaboration progressive, qui se fait au fil de l’écriture, d’une forme stricte, presque rigide, que l’auteur va tenir jusqu’à son terme. Plus simple à dire qu’à faire… En tout cas, et pour finir, L’Opoponax est une oeuvre éclatante, pas vrai Marguerite ?