Marin mon Coeur, Eugène Savitzkaya

Un très court livre consacré à la petite enfance du fils de l’auteur, à ses premières expériences dans la vie, avec la même prose poétique que celle du roman Fraudeur, chroniqué en fin d’année dernière sur ce blog. Après l’enthousiasme de la découverte, ce texte (présenté par les Editions de Minuit comme un de ses livres emblématiques – on se demande un peu le pourquoi d’un pareil emballement…) n’a pas eu le même effet sur le modeste auteur de ces humbles lignes. Par rapport au « roman » Fraudeur, c’est qu’il manque sans doute à Marin etc… l’imaginaire et l’ampleur d’un univers riche et propice à l’écriture poétique de l’écrivain. Ici, on sent un peu trop la présence de l’auteur (deuxième personnage principal du livre, après le bébé) et l’univers, tout comme celui d’un nouveau né, est quelque peu restreint. Très courts paragraphes consacrés à la découverte du monde très proche (la chambre, la maison, le jardin, l’extérieur du jardin… mais pas trop loin), à la découverte de son propre corps, des géants (les parents), d’un monde fantasmatique aussi, peuplé d’animaux, entre autres. Bref, bien que très désireux de faire un pas de plus dans la rencontre de ce bel auteur à la plume littéraire aiguisée, nous n’avons pas eu le bonheur de nous extasier de cette prose parfois enfantine (même si toujours très adulte) et délibérément poétique (il semble bien que ce soit la marque de fabrique de Savitzkaya), mais dont le propos ne nous aura pas touché plus que cela. Quelques beaux passages, certes, mais aussi quelques trop nombreux paragraphes qui ne touchent pas leur but, comme ce baiser de l’enfant qui tend la joue et embrasse l’air, célébré à la page 42. Roman en mille chapitres dont les neuf dixièmes sont perdus, comme le sous-titre Savitzkaya, on peut se demander pourquoi ce dixième serait si important pour le lecteur qu’on le lui ferait lire en le vantant comme un chef-d’oeuvre. Qu’il fut important pour le père d’écrire un très court recueil de très courts textes (fragments) sur les premières années de sa progéniture, soit, qu’il fut aussi essentiel de le publier ne nous semble pas une évidence. Qu’à cela ne tienne, nous trouverons bien un récit de Savitzkaya dont l’existence nous semblera plus justifiée. Cette chronique quelque peu désabusée n’est en rien une condamnation au bannissement.

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